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UN PRESIDENT ET DEUX ENTERREMENTS


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Chronique de Dominique JAMET...

On ne discute pas les sentiments. La raison y trouverait-elle cent choses à redire, elle n’a rien à faire là où le cœur gouverne et ne partage pas. On ne peut donc que s’incliner devant l’aveuglante évidence de la force du lien que Johnny Hallyday, au fil des années, avait tissé avec un public qui réunissait tous les âges, tous les milieux, toutes les conditions, et devant la sincérité d’un deuil qui le fédérait ce samedi, sous un soleil éclatant. Dans le froid piquant d’un matin de décembre ou bien au chaud, chez soi, devant le petit écran, sur les Champs, sous les fleurs, dans les chants, dans les pleurs, dans les larmes, au passage de ce cercueil blanc auquel la police ouvrait le passage et que suivait un cortège vrombissant de « bikers », tout Paris, toute la France pour Johnny avait un cœur de rocker.

Par quelle mystérieuse alchimie, émergeant du lot de ses contemporains, survivant à toutes les modes, surclassant tous ses rivaux, l’ex-idole des jeunes, le provocateur yé yé qui n’avait pour lui que sa jeunesse, ses outrances et sa guitare électrique, le showman dont les Guignols et les médias raillaient à l’envi le langage sommaire, la syntaxe plus qu’approximative et qu’ils décrivaient volontiers comme proche de la débilité mentale était-il devenu ce rebelle bien-aimé des familles, ce trésor national, cette légende vivante, cette icône, ce « héros », ce « dieu » dont la disparition, sous les yeux embués de ses « fans » et le regard étonné des profanes, se transformait en montée au ciel, en apothéose ? Avec les mots les plus simples, les mêmes, ou à peu près, qui revenaient dans toutes les bouches, avec les phrases toutes bêtes que leur dictait le cœur, les fidèles de cette secte devenue la religion de millions d’adeptes se rappelaient et répétaient qu’ils avaient grandi, qu’ils avaient aimé, qu’ils avaient vieilli avec Johnny, avec les spectacles de Johnny, avec les chansons de Johnny, qu’ils entonnaient et reprenaient en chœur comme des cantiques. Johnny, parfois en chair et en os, le plus souvent invisible et pourtant présent, avait été le témoin, l’accompagnateur de leur jeunesse, de leurs amours, de leurs petits bonheurs, et de leurs grands chagrins, de leurs querelles, de leurs vacances, de leur intimité, le fond sonore de leur vie, et ils avaient tout fait, apparemment avec succès, pour transmettre des parents aux enfants, d’une génération l’autrre, l’amour et le culte de celui qu’ils vénéraient comme les Romains leurs dieux lares ou les Chinois leurs ancêtres.

Un hasard malicieux a fait se suivre, à vingt-quatre heures près, et quasiment se télescoper, la mort de l’increvable Johnny et celle de l’inusable Jean Wladimir François de Paule, etc. d’Ormesson. Le plus aimable et le plus aimé des écrivains mondains avait prévu et redouté une telle éventualité. Fasse le ciel, disait-il, que ne se renouvelle pas à mon détriment la fâcheuse conjonction qui avait vu coïncider la disparition de Jean Cocteau et celle d’Edith Piaf. De fait, les obsèques du petit bout de femme à la petite robe noire avaient relégué au second plan et quasiment éclipsé celles de l’auteur de Thomas l’imposteur et du Testament d’Orphée. Allez encore dire après cela que la chanson est un art mineur ! Qu’au moins, ajoutait J.d’O, qu’au moins me soit épargnée une autre disgrâce, celle de voir François Hollande faire mon éloge funèbre !

Seul ce deuxième vœu devait être exaucé. Mais quel contraste entre la ferveur et la spontanéité de l’hommage populaire rendu à Johnny Hallyday et la solennité protocolaire de l’hommage national consacré à l’académicien, grand-croix de la Légion d’honneur ! Dans le cadre fermé de l’hôtel des Invalides, l’ensemble du microcosme institutionnel était certes réuni pour faire ses adieux à l’homme qui n’avait pas d’ennemis, mais n’était-ce pas, en même temps que celles de Jean d’Ormesson les funérailles d’une France ancienne que l’on célébrait, de cette France mère des arts, des armes et des lois, de cette France du beau langage, du bien dire, des salons, de la conversation dont l’auteur de La Gloire de l’empire était un éminent et inlassable représentant ?

Encadré de ses deux prédécesseurs, l’actuel président de la République n’a pas manqué l’occasion qui lui était offerte de revenir sur l’erreur d’appréciation ou en tout cas d’expression qu’il avait commise lors de sa campagne électorale en déclarant qu’il n’y avait pas de culture française. Dans son discours, d’une langue correcte, voire élégante, le chef de l’Etat, alors même qu’une enquête retentissante confirme le déclassement de la France en matière de lecture et d’écriture, a réaffirmé l’importance fondamentale de la littérature dans notre vie et dans notre société. Pieuses paroles qu’est venue appuyer le dépôt sur le cercueil du mort d’un crayon, fragile symbole d’une permanence de notre identité et de notre personnalité que l’actualité dément jour après jour.

Officiant ès qualité à la cérémonie du vendredi, Emmanuel Macron a également honoré de sa présence, toujours escorté de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, la messe célébrée le samedi à l’intention de Johnny Hallyday. Sifflé au début de son allocution par une partie de la foule, allergique à ce qui pouvait passer pour une tentative de récupération et une intrusion de la politique dans son deuil, le président a retourné et reconquis son auditoire en s’effaçant devant le chanteur disparu dont il s’est dit un humble et simple « fan », qui ne valait pas plus qu’un autre, et en donnant du coup le signal d’applaudissements qui, allant à Johnny, transitaient par Emmanuel. Autre habileté de M. Macron, que les circonstances lui ont servie sur un plateau, en ce 9 décembre, jour anniversaire de la loi de séparation de l’Eglise et de l’ Etat qui devait être aussi la Journée de la laïcité, le président a été dispensé par l’actualité d’avoir à définir plus précisément sa position sur un sujet qui fait débat et politique. Salut l’artiste !

Les médias, tout au long de la journée d’hier, se sont félicités de ce qui est devenu, sous la faux implacable de la mort, une manifestation de concorde, d’humanité, voire de « communion » des Français. Ce qui n’est pas inexact, et l’on s’en réjouira avec tous. Pourtant, quelque sympathie que l’on puisse avoir pour « Johnny », quelque admiration qu’ait pu susciter l’extraordinaire « bête de scène » qu’il aura été quelque plaisir que l’on prenne à réentendre les chansons dont, ni parolier ni compositeur, il fut le prodigieux interprète, comment fermer les yeux sur l’image révélatrice que cette semaine et ces deux cérémonies nous donnent de notre société et de ses véritables hiérarchies ? La France officielle, la France traditionnelle, la France institutionnelle a pour les écrivains, les savants, les peintres, les musiciens, les créateurs toute la déférence, toute la considération que leur vouait la France d’hier. Mais la plupart des Français d’aujourd’hui n’ont d’yeux et d’admiration que pour les footballeurs et les chanteurs. Les Champs-Elysées n’avaient pas vu un tel déferlement, une telle ferveur depuis la victoire de l’équipe de France dans la Coupe du monde de 1998. Un à trois millions de personnes ont suivi hier de l’Arc de triomphe à la Madeleine la dépouille mortelle d’un chanteur belge qui, sous un nom anglo-saxon, a été depuis un demi-siècle l’un des principaux vecteurs de l’américanisation de la France et a souhaité reposer là où il avait choisi de vivre, de l’autre côté de l’Atlantique, pas trop loin de la résidence secondaire des Balkany. Le 1er juin 1885, dans la même atmosphère de deuil et de recueillement, un peuple tout entier escortait de la place de l’Etoile à la place du Panthéon, dans le corbillard des pauvres, un poète qui aurait voulu pour dernière demeure, à côté des siens, le cimetière du Père-Lachaise. Ce n’était que Victor Hugo.

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