Nécessaire souveraineté
Notes de lecture
Ce livre de la regrettée Coralie Delaume nous rappelle que la notion de souveraineté est similaire à celle de démocratie. Faire de sa défense une forme de nationalisme et de "fermeture à l’autre’ (selon le vocabulaire en vigueur) permet de maquiller en noble ouverture le contournement systématique de toutes les institutions démocratiques par des instances technocrates non élues.
Revenant sur les 2 dernières crises du quinquennat d’Emmanuel Macron, celle des Gilets Jaunes aura mis en avant la volonté de renouer avec une souveraineté populaire, celle sanitaire avec une souveraineté nationale, c’est-à-dire l’indépendance nationale, sans soumission au commandement d’autrui. Face à l’abandon des gouvernements dans leur mission de sécurité, physique, économique ou culturelle, le livre expose l’idéologie du néolibéralisme et des dérégulations qu’il entraîne. Pour Coralie Delaume, l’Union Européenne supranationale, arrangement institutionnel bénéficiant à l’Allemagne, emprisonne les souverainetés nationales et s’articule autour de marchés dérégulés, mettant en avant l’acte des 4 libertés (1986), la CJUE, certains traités et directives, la BCE ou encore les politiques d’austérité envers certaines nations. Cette mondialisation dissout les Etats-nations et amoindrit leur capacité redistributive. Le néolibéralisme nie l’existence de la société et ne reconnaît que des individus mus par des intérêts, alimentant de fait des discours populistes de réappropriation, de recouvrement de souveraineté, au départ contestataire, devenu petit à petit d’adhésion, une volonté de restaurer la nation et ce qui la compose (identité, mœurs…), ainsi que la souveraineté populaire puis que le roi souverain fut remplacé par le peuple souverain lors de la révolution française. « Quand une nation a été construite par une Etat et que l’Etat démissionne, la nation se disloque ». Nous y sommes, avec l’explosion du communautarisme. La souveraineté était une volonté, l’identité est un refuge.
Face aux crises et leur impact violent, se pose la question de savoir si chaque nation va reprendre ses billes, si cela va accentuer le fédéralisme économique européen, alors que chaque peuple a ressenti le besoin de s’en remettre à la protection de son Etat. Face à la crainte d’une radicalisation autoritaire du néolibéralisme, ne serait-il pas judicieux de réorganiser l’Europe autour des nations et un ré-encastrement de l’économie dans le substrat social, passant par la réécriture de traités, l’abandon de la supranationalité et la mise en place d’une politique de coopération. Une politique capable de mettre en place ce qui est nécessaire, la souveraineté.
Ce livre, où la question de la souveraineté va au-delà de l’Union Européenne, développe un diagnostic posé à notre fragile démocratie malmenée.
Ludovic DEMATHIEU
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